Interview de l’entraineur

À l'occasion de cette nouvelle année Clément a interviewé Alain en collectant un certain nombre de questions que les jeunes lui posent de temps en temps.

 

Alain, quel âge as-tu?

 

63 depuis le 29 décembre.

 

Tu n'as pas envie de prendre ta retraite de professeur de judo ?

 

Non pas pour l'instant. Tant que je serai physiquement capable d'assumer, je pense que je continuerai. De toute façon je ne me vois pas passer mon temps à regarder Derrick puis des chiffres et des lettres à la télévision.

 

Mais tu pourrais faire autre chose?

 

Oui certes, j'adore voyager, je pourrais aussi me balader une partie de l'année à bord de mon voilier, et il y a beaucoup d'autres choses encore que j'aimerais faire. Seulement voilà, je m'occupe du club de judo de Lozanne depuis 40 ans, ma vie est étroitement liée à cette association, ce n'est pas maintenant que je vais la laisser tomber. Nous avons remporté d'innombrables titres, ce fut 40 années de succès, de fierté et de bonheur pour mes judokas et moi et cela continue. Attention je ne dis pas que la seule chose qui compte c'est d'engranger des médailles. Voir progresser des enfants qui sont venus tous jeunes au club, les voir devenir d'excellents judokas ou des champions, les voir être capables de tourner une rondade flip, les voir heureux et fiers d'avoir descendu une rivière en canoë et passer des rapides  difficiles,  d'avoir fait un canyon avec des sauts de 10 m, d'avoir surmonté leur peur du vide dans une via ferrata, de barrer un voilier de 12 m dans la brise… Les voir petit à petit devenir de vrais athlètes, les voir prendre confiance en eux… est aussi pour moi une source de fierté et de bonheur. En fait c'est une grande partie de ma motivation.

 

Et ils ne font pas tout ça dans les autres clubs?

 

Il y a d'autres clubs qui  sont  excellents sur le plan judo mais sans doute n'y en a-t-il pas beaucoup qui proposent une animation et des stages comme au judo club du Val d'Azergues. Ceci est dû à une adéquation entre un club moyen par ses effectifs, autour d'une centaine d'adhérents et un entraîneur à la fois disponible grâce à son métier de professeur d'éducation physique et compétent par son parcours personnel dans presque tous les domaines sportifs, en particulier dans les disciplines de plein air et en matière d'organisation de séjours de vacances. Après j'ai mis le doigt dans l'engrenage et j'y suis passé tout entier. En effet les stages ont rencontré un tel succès et suscité un tel enthousiasme en même temps qu'ils apportaient beaucoup sur le plan éducatif et culturel que je me suis senti obligé de continuer en améliorant sans cesse. Tout ceci a abouti à faire des générations de judokas qui ont connu des réussites exceptionnelles sur le plan professionnel et social en grande partie grâce aux qualités acquises : dynamisme, volonté, ténacité, cran, esprit d'initiative, ouverture d'esprit…

 

T'en as pas marre des gamins des fois ?

 

On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire travailler avec des enfants et vouloir qu'ils soient calmes comme des vieillards (encore que les vieillards peuvent-être aussi très pénibles). Les enfants et les ados sont turbulents par nature, c'est à moi de canaliser cette énergie pour en faire quelque chose de positif. Par ailleurs des mois et des années de pratique d'activités et de stages sportifs ensemble engendrent une sorte de complicité, de confiance et d'affection qui permettent d'accepter et de pardonner beaucoup d'écarts. C'est toujours avec beaucoup de bonheur que je retrouve mes anciens dont les plus âgés ont tout de même une cinquantaine d'années. Avec le recul nous rions ensemble de leurs bêtises d'adolescents. (Qui sur le coup ne m'avaient pas toujours fait rire !) Je me suis souvent emporté contre certains de mes collègues professeurs qui venaient travailler à reculons et n'attendaient que la retraite. Quand on a la chance de faire un métier aussi noble, quand on a 18 ou 20 h de cours par semaine selon les disciplines, et quatre mois de vacances par an, on se doit de s'investir un minimum! Mais pour cela il faut avoir au moins un petit peu la vocation.

 

Tu as toujours eu la vocation ?

 

Non, je ne l'ai pas toujours eu. J'ai d'abord été intéressé par le métier d'enseignant sportif uniquement parce que ça me permettait de faire du sport toute la journée ce qui était la chose qui m'attirait le plus. J'ai ensuite découvert la noblesse et la beauté de l'enseignement et de l'éducation. Si l'on apporte vraiment quelque chose à des enfants et des adolescents, ils vous en sont reconnaissants (consciemment ou inconsciemment d'ailleurs), cela devient alors très valorisant pour le professeur de les faire progresser et l'on s'investit pour être meilleur, les élèves progressent encore plus et ainsi de suite : on est pris dans un cercle vertueux.

Mes judokas m'attribuent beaucoup de qualités et de compétences et me font confiance, aussi une de mes plus grandes appréhensions, serait de les décevoir soit lors d'une séance de judo, lors d'un stage.  Si un de mes judokas me disait « c'était nul ! » J'aurais du mal à le supporter. Ceci constitue un moteur pour essayer d'être toujours dans la qualité et l'excellence. Par exemple après 40 ans de métier toutes mes séances sont préparées. C'est peut-être ça la vocation !

 

 

Qu'est-ce qui te plaît le plus au club de Lozanne ?

 

D'abord c'est l'excellent niveau que nous avons toujours eu. Dans le milieu du judo tout le monde reconnaît la qualité de notre club. Ensuite c'est l'ambiance très conviviale je dirais presque très familiale qui y règne depuis toujours. Un certain nombre de jeunes adhérents font partie de la deuxième génération parce que leur père était déjà un judoka Lozannais. Beaucoup de parents qui se sont connus sur le bord des tatamis sont devenus des amis. C'est aussi l'investissement de beaucoup de parents pour m'aider dans toutes les activités et la qualité des  relations que j'ai avec eux.

 

Qu'est-ce qui fait qu'on est classé dans les meilleurs clubs de la région ?

 

Je vais manquer de modestie si je dis qu'il faut d'abord un entraîneur compétent qui y croie et qui s'investisse mais c'est la condition indispensable. Après il faut que la « mayonnaise » prenne. C'est-à-dire qu'il y ait une espèce de dynamique entre l'entraîneur et ses élèves, le bureau, les parents… On peut affirmer qu'à Lozanne elle a bien pris. Tous les stages et les séjours sportifs que nous organisons y sont aussi pour quelque chose ainsi que l'animation telle que les sorties piscine, Hourra Parc où les soirées crêpes ou barbecue chez l'entraîneur… Je m'efforce constamment de vous faire comprendre qu'il y a des moments où il faut être sérieux par exemple lors des entraînements et des moments où l'on peut s'amuser lorsque l'on fait une sortie ou une soirée. J'essaye d'être « cool » lors de ces dernières ce qui me déculpabilise d'être sévère sur le tapis. Beaucoup de mes collègues n'osent pas faire des entraînements « normaux » c'est-à-dire durs lorsqu'il s'agit d'un sport de combat comme le judo, sous prétexte que cela va décourager une partie de leurs adhérents. Leurs entraînements sont légers et le niveau de leurs élèves l'est aussi. Personnellement je pense exactement le contraire, il faut que les entraînements soient de qualité, même s'ils sont éprouvants, afin que mes judokas progressent. Ils ont parfaitement conscience de leur progression dans tous les domaines : technique, physique et mentale et c'est la seule façon je pense d'emporter leur adhésion.

 

Qu'est-ce que tu pourrais nous dire en conclusion ?

 

Tout ce que je viens de vous dire, je le pense très sincèrement mais c' est un peu sérieux. Je dirais aussi qu'est-ce qu'on « rigole » et qu'est-ce qu'on « s'éclate » au club. Que ce soit lors des sorties, des soirées, des grands jeux, des parties de paint ball dans la nature, lors des chasses au trésor à pied ou en VTT dans les îles, lors des jeux comme la gamelle ou les contrebandiers, en jouant les Tarzan sur le voilier, etc…. pourvu que ça dure encore longtemps !….

 

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